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Les questions que posent l'assassinat de Georges Floyd

L’assassinat de l’afro-américain Georges Floyd par un policier pour ce qui devait être un simple contrôle a entrainé, comme on le sait,  une vague d’indignation et de mobilisation contre le racisme dans le monde entier, ou du moins les pays occidentaux où vit une forte communauté issue de l’immigration.  

En effet, les réactions suscitées par ce regrettable évènement montrent que le problème ne concerne pas seulement les bavures policières. Peu importe si on a le plus de chances de se faire tuer par la police américaine si l’on est noir ou blanc, la société américaine semble clairement divisée sur un certain nombre de sujets,  parfois au sein même de la communauté blanche. 

L’Amérique est-elle raciste ?  Il n’est pas évident de répondre à une telle question, car il faut d’abord déterminer les critères sur lesquels on doit s’appuyer.  Certains arguent souvent qu’aux Etats-Unis, il existe une batterie de mesures très strictes afin de sanctionner les actes et même les paroles racistes. On peut même parler de lois qui seraient appliquées avec la plus grande vigueur, et peut-être bien plus que dans d’autres pays occidentaux.

Malgré cela, il semble que dans bien des cas le racisme soit un phénomène important en Amérique, au sein des forces de sécurité, dans les administrations, voir le monde de la culture et du spectacle. « La réalité » semble donc difficile à saisir.  Néanmoins,  dans le cas des Etats-Unis, comme ailleurs, la question du vivre-ensemble est liée à un projet de société commun  qui transcende les couleurs de peur, les origines, voir les religions. Cependant, et comme on le sait l’Amérique s’est construite sur l’expropriation des terres des indigènes indiens, au profit des colons européens, qui ont ensuite amené de force environs 600 000 personnes venant de l’Afrique noire, pour les réduire en esclavage dans les plantations du Sud des Etats-Unis.   Les divergences autour de cette question mèneront à la Guerre civile américaine ou Guerre de Sécession entre Nord et Sud, qui se soldera par la victoire du Nord qui a aboli l’esclavage. Néanmoins, la ségrégation raciale perdurera, et de manière très visible et violente durant une longue période. 

Il apparait donc que le « projet » américain n’a pas eu dès le début une portée universaliste, en matière de race ou d’origine, car ce sont les blancs qui en ont bénéficié, même si l’on ne peut ignorer les efforts de tous les humanistes qui ont œuvré à bâtir une Amérique plus juste, qu’il s’agisse des communautés de quakers, des abolitionnistes comme Abraham Lincoln et autres penseurs transcendantalistes comme Henry David Thoreau.

Cependant, la ségrégation raciale ne prendra fin que dans les années soixante, avec la  croissance du mouvement pour les droits civiques, et l’émergence de personnalités comme Martin Luther king ou Malcom X.  

L’esclavage ayant été un procédé de type capitaliste, il était normal que ce soit la gauche américaine qui accompagne le mouvement des noirs américains pour leur émancipation, et par gauche américaine il faut comprendre le Parti démocrate, qui a également encouragé la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, comme l’ont fait plusieurs associations de la société civile, appuyées par une partie de la presse, et des milieux culturels.

Toutefois, il est important de souligner que ces démarches progressistes visaient à réunir blancs et noirs autour d’un projet commun pour la nation. Un projet qui œuvre de façon générale à réduire les inégalités sociales entre citoyens, quelque soient leurs origines, tout en élargissant le champ des libertés individuelles ou collectives.  Or, plusieurs facteurs vont petit-à-petit inverser cette tendance.  Le plus important est sans doute l’émergence de penseurs postmodernistes en France, après les événements de Mai-68 qui auront une influence sur une grande partie du monde. 

Ainsi, Michel Foucault, Jaques Derrida et d’autres ont fait remis en question l’existence de principes universaux pouvant être appliqués à l’ensemble d’une société donnée, et ils ont jugé qu’il fallait mieux se concentrer sur les différences liées au sexe, à l’origine raciale, à la couleur de peau, voir à la religion.  Cela a eu pour résultat que les luttes sociales ont diminué au profit de combats sociétaux, comme la lutte contre le racisme, ou le combat pour l’émancipation des femmes, sans prendre en compte le contexte économique ou social où vivent les individus.

Cette vision communautariste s’est développée plus rapidement aux Etats-Unis à cause du contexte historique bien particulier de ce pays, mais des voix se sont élevées contre les « identity policies », ou politiques de l’identité. C’est le cas notamment de l’historien des idées et professeur de littérature, Marc Lila (1), qui dresse le bilan du Parti démocrate américain, en tentant de souligner ses principales erreurs. La plus grande est de n’avoir pas su élaborer une vision globale pour la société, afin de prendre des mesures pérennes qui marquent les institutions,  même si les dirigeants changent.  Au lieu de cela, les Démocrates américains ont adopté des politiques limitées à un groupe de personnes,  comme  les femmes, les afro-américains, les hispaniques, et selon Marc Lila,  ces mesures n’ont pas pu résister à l’épreuve du temps, lorsque les Républicains ont repris le pouvoir, avec l’élection de Donald Trump en 2016.  

Au-delà de la stratégie que doit adopter le Parti démocrate aux Etats Unis, il apparaît clairement que les problèmes de racisme ne peuvent être réglés sans la conception d’un projet de société global, malgré les difficultés  suscitées par une telle entreprise, que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs, nomment chez nous en Algérie.

 

Lyes Ferhani  

      

Tag(s) : #Société
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