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Emmanuel Todd : Un homme de gauche lucide

En ce temps d’inégalités sociales et de tensions communautaires,  rares sont les voix sages et modérées qui tentent d’apporter aux débats une parole juste et mesurée, en s’appuyant sur des faits et des analyses approfondies.

En France, Emmanuel Todd compte parmi les intellectuels réputés pour leur approche objective et leur travail rigoureux.

Démographe, historien et essayiste,  il a notamment prévu, bien avant tout le monde, l’effondrement de l’Union soviétique ou l’émergence de la Chine comme grande puissance. Il a également délivré des analyses intéressantes sur la montée de l’extrême-droite en France ou la place de la culture catholique chez des gens qui n’ont plus la foi.

Récemment j’ai entendu un entretien où il s’exprimait sur plusieurs questions, comme le multiculturalisme, la mondialisation et les inégalités sociales.

Tout d’abord, il a rappelé un point important.  Après Mai-68,  la France bénéficiait encore d’un niveau de vie assez élevé, sur le plan économique, malgré l’émergence de certains problèmes. Ce confort a conduit progressivement au recul des luttes sociales, au profit de luttes sociétales comme le combat contre le racisme,  l’émancipation des femmes ou les droits des minorités qui sont devenus des priorités à gauche, alors que la droite et l’extrême-droite ont axé leurs discours sur les thèmes de l’identité et de l’immigration.

A présent que les problèmes économiques de la France se sont accrus, et que les inégalités sociales ont augmenté, certains veulent à tout prix pointer du doit le communautarisme  et les politiques qui lui sont liées. Or, même si le multiculturalisme peut mener à certaines dérives, il ne faut pas exagérer son importance, car cela peut mener aussi à un autre type de communautarisme, le communautarisme blanc, comme l’appelle Noam Chomski,  et qui conduit à l’émergence des populismes d’extrême-droite.  

 

Autre point essentiel soulevé par Emanuel Todd, la question des élites dirigeantes en France et du modèle économique qu’elles ont adopté.

 

Au haut de la pyramide il y a la  « classe stato-financière ».  Cette expression peut sembler étrange. En réalité, elle sert à dissiper certains malentendus, selon Emanuel Todd.

On dit souvent qu’en France comme ailleurs,  l’économie s’est mondialisée par le biais du néo-libéralisme. 

Si Todd ne défend pas la doctrine néolibérale, qui a fait d’après lui des ravages aux Etats-Unis, et bientôt en Grande-Bretagne,  il pense que le néo-réalisme réel n’existe pas en France.

Les dirigeants financiers et les responsables économiques français sont des énarques, qui voudraient augmenter les privatisations, appliquer des mesures néolibérales. Or, le problème est que l’on apprend pas ça à l’Ecole d’administration générale.

Au final, comme le dit Emanuel Todd avec une pointe d’humour « ce qu’ils font équivaut à se faire de l’argent au frais de l’Etat,  et ça ce n’est pas du néo-libéralisme mais de la corruption ! »

Cette analyse est intéressante dans la mesure où elle s’oppose à ceux qui exagèrent le rôle  de l’Américanisation culturelle  dans la montée des inégalités sociales dans un pays comme la France. 

Ainsi comme je l’ai évoqué dans un précédent article, Régis Debray parle souvent de l’influence qu’a exercée l’Amérique sur le plan culturel à travers le cinéma, la télévision et internet, pour ensuite chambouler les structures sociales et économiques. Or, cette classe stato-financière produite par l’ENA est bien la preuve que la hiérarchie traditionnelle française subsiste et que c’est elle qui maintient ou même augmente les inégalités, et non pas l’application du néo-libéralisme américain. 

 

Lyes  Ferhani 

 

Tag(s) : #Société
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