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Quand la gauche algérienne ne parle jamais d’économie…

Alors que j’effectuais des recherches sur Google, je suis tombé par hasard sur un ancien débat opposant le romancier Rachid Boudjedra à l’ex-président du Mouvement de la Société pour la Paix, Aboudjerra Soltani, sur la chaîne privée Echourouk.  Il y était question de la présence importante du courant marxiste sur la scène politique algérienne, et l’absence ceux qu’on appelle les islamistes jusqu’à la fin des années soixante-dix, avant que la tendance ne s’inverse en faveur du courant islamiste dont les idées ont reçu un large écho chez les couches populaires.

Les deux intervenants ont également abordé la réforme de l’éducation, ce qui a permis à l’animateur Kada Benamar d’évoquer la question de la démocratie ainsi que celle des idéologies.

Au départ, Boudjedra a indiqué que le problème n’était pas d’ordre idéologique mais social, et qu’il fallait d’abord satisfaire les besoin essentiels des citoyens, car « la personne pauvre ou indigente ne pense pas à la démocratie ».   

Malgré cette affirmation, le débat a quand-même tourné autour des notions de gauche ou et de droite, sans réellement aller au fond des choses, à savoir toutes les dimensions politiques, économiques et sociales du socialisme si l’on préfère ce terme au communisme,  et on peut  également parler de gauche.

Pour Rachid Boujedra, il suffit de se dire « laïc »,  pour être un homme de gauche, comme il va de soit que se déclarer islamiste indique que vous êtes favorable au libre-échange, au libéralisme économique, voir à l’ultralibéralisme. Une thèse corroborée également par Soltani et l’animateur Kada Benamer. Ainsi, nul besoin de penser aux questions économiques, ni de réfléchir à la façon d’améliorer le quotidien du « cioyen pauvre ou indigent ». Il se suffit de vouloir séparer le religieux du politique (Là aussi Boudjedra ne le formule pas aussi clairement).

Le communisme ou le socialisme sont des mouvements par essence internationalistes (mais pas mondialistes, on va y revenir), il est donc important de regarder ce qui se passe ailleurs, surtout en Occident. Là-bas, être laïc n’empêche pas d’être capitaliste voir ultra-capitaliste. On remarque même que dans un pays comme la France « les élites de gauche » ne se distinguent plus des autres que par des questions purement sociétales comme la loi sur le mariage pour tous. On peut également rappelé que c’est sous le mandat d’un président de droite, Valérie Giscard d’Estaing,  que l’avortement a été légalisé. Ainsi l’extrême-gauche en France a du mal à se définir, ce qui explique le recul du Parti communiste français, ainsi que l’émiettement du Parti socialiste, au profit du mouvement de Jean-luc Mélanchon (La France insoumise) qui a le mérite de replacer les questions économiques et sociales au cœur du débat.

Pour revenir chez nous, et au débat d’Echourouk,  j’ai été frappé par le regard de tous les protagonistes sur des personnalités qui représentent une forme de gauche dans le monde arabe ou de culture arabe.

Au départ Aboujerra Soltani a évoqué le caractère « soufi » de certains extraits des livres de Rachid Boujdedra, puis il a déclaré qu’il ne serait pas étonné si Boudjedra évoluait et finissait par passer, pour ainsi dire, dans l’autre camp. L’animateur a saisi l’occasion pour mentionner le cas d’intellectuels arabes de gauche qui, pour lui, sont passés à droite. Il a ainsi cité le cas du philosophe marocain décédé Mohamed Abed El Djabiri, et de l’Egyptien Abdel Wahab El-Messiri, également décédé, coordinateur général du mouvement d’opposition Kefaya.

Pour ce qui est d’El Djabiri, je peux dire que personne n’a noté une quelconque transformation dans son orientation. Il a consacré l’essentiel de son œuvre à étudier l’esprit arabe ou plus précisément l’histoire la pensée arabe et ses liens avec la religion musulmane ou plus précisément avec une certaine interprétation du Coran et de la sunna du prophète.  Il a un jour déclaré qu’il « ne faisait de concession ni au patrimoine ni à la modernité » et s’est toujours réclamé d’une certaine gauche radicale dans sa manière de penser.

Quant à Al Messiri, … il a souvent tenté de montrer que la laïcité totale n’existait pas, même en Occident, comme il a dénoncé le matérialisme de la société moderne et la marchandisation de l’individu. Peut-être que vers la fin de sa vie il s’est radicalisé du point de vue religieux, sans se départir de ses idéaux de justice sociale.

  Cependant, Rachid Boudjedra, après avoir indiqué que les deux penseurs cités étaient  « des amis », a tout simplement parlé de déviation par rapport à ligne initiale. Ainsi il a conforté Kada benamar et Soltani dans l’idée qu’ils se font de la gauche et de la droite, à savoir qu’il suffit de se réclamer d’une interprétation de l’Islam pour être libéral du point de vue économique, comme si le Coran contenait un programme pour un mode de vie forcément capitaliste, du type de capitalisme connu en Occident. Certes, certains pays déclarant appliquer la Charia et certains mouvements  islamistes peuvent nous paraître capitalistes sous certains aspects, mais il n’empêche qu’ils peuvent ne pas toujours s’adapter aux contingences matérielles du capitalisme mondial. De même que certains mouvements se réclamant de l’Islam ont un aspect assez hostile au consumérisme occidental. C’est notamment le cas de Abd El-Wahab El Messiri, où on peut parler d’extrème-droite peut-être, en tout cas de pensée réactionnaire au niveau culturel, mais hostile à la droite libérale, du point de vue économique.

Où se situe Rachid Boudjedra dans tout cela… (Quelque soit son talent de romancier)  Son cas n’est pas unique. Beaucoup de personnalités en Algérie et de gens ordinaires pensent qu’il suffit de se dire non-religieux ou laïcs pour être forcément de gauche. Ils sont à bonne école, vu que beaucoup en Occident pensent de cette façon.    

 

Tag(s) : #Politique
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