Le journaliste et écrivain kamel Daoud évoque souvent dans ses interviews ou chroniques « le groupe » ou l’esprit de groupe qui fait que le citoyen algérien ne parvient pas à développer une personnalité propre ni à mûrir une réflexion autonome, loin du carcan des traditions et du fondamentalisme religieux.
Ce concept de « groupe » existe bien, et il empêche également ou entrave l’épanouissement des femmes dans la sphère publique.
Il faut cependant souligner que cet esprit de groupe se transmet, si l’on peut dire, à travers les couches les plus jeunes de la société, et plus précisément par leur façon de parler qui n'est guère influencée par la modernité ou les modes artistiques ou vestimentaires, mais reste au contraire étroitement liée à l’histoire de notre pays.
Je dois dire que c’est un film qui a éclairé ma lanterne, ou plutôt le souvenir que j’en garde. J’ai publié dans ce blog quelques critiques de films dont Le clandestin, excellente comédie algérienne réalisée par le regretté Benamar bakhti.
Dans ce road-movie comique, il y a un passage où l’un des personnages conte ses exploits réels ou supposés durant la Guerre de libération avant d’être interrogé de manière un peu ironique, par les autres protagonistes, sur certains évènements précis. Cette surenchère verbale me rappelle un peu certaines joutes oratoires auxquelles s’adonnent certains de nos seniors d'âge mûr, non pas forcément sur la Révolution, mais sur la véracité de telle anecdote sur un grand maître du chaâbi ou les conditions de création d’un monument célèbre.
J’avoue que ces « joutes verbales » ne manquent pas d’intérêt ni d’humour. Cependant, il est quelque peu surprenant que ce type de « communication » soit également répandu chez les jeunes Algériens, qu’ils discutent de sport, de culture ou de politique. Ce n’est effectivement pas la meilleure façon d’échanger des idées ou des points de vue.
Cela me ramène également à un autre film, américain celui-là, True Grit des frères Coen, où les deux propagandistes vétérans de la guerre Nord-Sud, se querellent à propos des dates de telle ou telle bataille ou sur les noms des colonels qui les ont menées, devant une adolescente perplexe.
L’histoire des États-Unis a-t-elle une influence sur la manière de parler des jeunes Américains ? Je ne peux le dire de façon catégorique, mais une chose est sûre, l’histoire particulière de l’Algérie a façonné et continue de façonner un certain mode de communication, qui ne permet pas à "l'individu" de trouver sa place dans le groupe ou la colelctivité.
Lyes ferhani